Rebondissant sur l’actualité française, Philippe Escande livre un éditorial au vitriol intitulé « Industrie et effets de manches » dans Les Echos du 23 février : « A quoi sert un ministre de l’Industrie ? Pour l’actuel titulaire du poste, Christian Estrosi, cela consiste à ne pas rester ‘les bras ballants’, ce qui le distinguerait de ses prédécesseurs. Alors, d’Heuliez à Total, de Philips à Renault, le ministre est sur tous les fronts, devant tous les micros. Au risque de décevoir le très actif maire de Nice, ce n’est pas une pratique vraiment nouvelle. De René Monory à Patrick Devedjian, en passant par Jean-Pierre Chevènement ou Edith Cresson, l’’agit prop’ est même une constante de cette fonction. D’ailleurs, si Nicolas Sarkozy avait voulu un ministre plus réservé, il aurait choisi un profil plus expert et moins extraverti, du type Hervé Novelli ou Christine Lagarde.  C’est donc un choix délibéré, de la part du président de la République, d’exposer ce poste au tohu-bohu médiatique. Avec un alibi en béton : la crise a remis l’Etat au centre du jeu économique.  De plus, à quelques mois d’élections régionales compliquées, il est opportun d’envoyer des messages forts à l’opinion.

Ce faisant, les pouvoirs publics prennent au moins trois risques. Celui de la déception d’abord. On prétend sauver des entreprises et des emplois par le volontarisme, au mépris des règles élémentaires de l’économie de marché, et l’on est rattrapé quelques mois plus tard par le principe de réalité. Le gouvernement ne peut pas, et ne veut pas, obliger les automobilistes à consommer plus d’essence, ni même à acheter des voitures françaises plutôt qu’allemandes ou italiennes. Les Français le comprennent et ne seront pas dupes longtemps de l’activisme actuel.  Le risque de la contradiction ensuite. A quoi cela sert-il de commander des rapports, d’organiser des états généraux, de lancer un grand emprunt, qui tous concluent que la baisse de compétitivité de la France vis-à-vis de ses voisins immédiats est la cause majeure de sa désindustrialisation, si c’est pour s’opposer à toute restructuration ? Surtout si, comme dans le cas de Total, cela ne menace aucun emploi direct ?

Le risque de la confusion enfin. Alors que le président de la République est supposé délivrer la semaine prochaine sa vision de l’industrie, quel message veut-il envoyer ? Celui d’une France repliée sur elle-même, gérant au mieux son propre déclin, ou celui d’un pays qui prépare les révolutions économiques, sociétales et technologiques qui vont façonner le monde de demain ? En clair, ce que l’on demande au politique, c’est de fixer un cap et les moyens d’y parvenir, pas de faire croire que des effets de manches sans lendemain peuvent tenir lieu de stratégie ».

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